Académie française

Le discours de réception d'Andreï Makine sous la Coupole

Andreï Makine - Photo Photo J.-F. Paga/Grasset

Le discours de réception d'Andreï Makine sous la Coupole

L'écrivain français d'origine russe, élu à l'Académie française au fauteuil d'Assia Djebar, a été reçu en séance solennelle sous la Coupole jeudi 15 décembre par l'académicien Dominique Fernandez.

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Par Marine Durand
Créé le 15.12.2016 à 19h08

Elu jeudi 3 mars au fauteuil d'Assia Djebar à l'Académie française, Andreï Makine a été reçu en séance solennelle sous la Coupole, jeudi 15 décembre, par l'académicien Dominique Fernandez. Comme le veut la tradition chez les Immortels, l'écrivain franco-russe a prononcé un discours de réception (à télécharger dans son intégralité ci-contre) dans lequel il a rendu hommage a celle qui l'a précédé au fauteuil numéro 5, avant que Dominique Fernandez ne se livre à un discours en l'honneur du nouvel académicien (également disponible ci-contre).

Né en 1957 à Krasnoïarsk, en Sibérie, et installé en France à partir de 1987, Andreï Makine a d'abord évoqué dans son discours le destin d'un "autre russe" invité à l'Académie trois siècles avant lui, le tsar Pierre le Grand, avant de le relier à l'itinéraire d'Assia Djebar, élue en 2005 à l'Académie et décédée en février 2015. "Quel lien pourrait unir le souverain d’une lointaine Moscovie, une romancière algérienne et votre serviteur que vous avez jugé digne de siéger à vos côtés ? Ce lien est pourtant manifeste car il exprime la raison d’être même de l’Académie : assurer à la langue et à la culture françaises le rayonnement le plus large possible et offrir à cette tâche le concours des intelligences œuvrant dans les domaines les plus variés", a expliqué l'auteur, lauréat du prix Goncourt, du Goncourt des lycéens et du Médicis en 1995 avec son roman Le testament français (Mercure de France).

Liés par l'attachement au français

Andreï Makine a rappelé le parcours d'Assia Djebar, "romancière à l’imaginaire fécond, cinéaste subtile, professeur reconnu sur les deux rives de l’Atlantique", avant de revenir sur son œuvre et sur son héritage, dressant un parallèle avec l'actualité : "Même les mots les plus courants de la langue arabe, (...) oui, l’exclamation qu’on entend dans la bouche des personnages romanesques d’Assia Djebar, ce presque machinal Allahou akbar, prononcé par les fidèles avec espoir et ferveur, se trouve détourné, à présent, par une minorité agressive – j’insiste, une minorité ! – et sonne à nos oreilles avec un retentissement désormais profondément douloureux, évoquant des villes frappées par la terreur qui n’a épargné ni les petits écoliers toulousains ni le vieux prêtre de Saint-Étienne-du-Rouvray."

L'écrivain a évoqué, dans la fin de son discours, l'amour des Russes pour la littérature française en racontant comment il avait découvert "un jour à Moscou, dans les années soixante-dix", le roman Les Enfants de Gogol, de Dominique Fernandez, relégué dans le "fonds spécial" de la Bibliothèque des langues étrangères. "On pouvait aussi tenter sa chance sur le marché noir et acquérir ce livre-là ou un autre au prix moyen de cinq à dix roubles (...). Mais voyez-vous, Mesdames et Messieurs, personne à cette époque ne parlait du prix excessif des livres. Un Moscovite aurait gagné la réputation du dernier des goujats s’il s’était plaint d’avoir trop dépensé pour un livre de poche français qui avait bravé le Rideau de fer."

Le charme russe

Dans sa réponse, Dominique Fernandez s'est livré à l'éloge d'Andreï Makine, soulignant son attachement au français – "il y eut des Russes avant vous, mais enfants d’émigrés, élevés en France. Vous, Monsieur, qui n’êtes venu en France qu’à l’âge de trente ans, aviez, en dépit des circonstances hostiles évoquées plus haut, choisi, bien avant de vous expatrier, la langue française comme moyen non seulement de vous exprimer, mais de vivre dans une fraîcheur printanière vos premières émotions" – avant de rappeler que Makine avait dû, pour publier son premier roman, feindre qu'il avait été écrit en russe et traduit "par une inexistante Françoise Bour".

Dominique Fernandez, citant de nombreux extraits des livres de Makine, a tracé à son tour un parallèle avec le francophile Pierre le Grand, et reconnu en l'auteur cet "ineffable supplément d’humanité qui mérite de s’appeler, d’un vocable dépourvu absolument de mièvrerie mais chargé au contraire d’une saveur ô combien épicée : le charme russe."

 

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