Dossier Spécial 

Jeunesse : les belles histoires 

Charlotte Duverne, fondatrice de la maison d'édition Marcel et Joachim. - Photo David Millier

Jeunesse : les belles histoires 

En recul après une année 2021 historique, le marché du livre jeunesse continue de bénéficier d'une dynamique de croissance sur le long terme. La hausse des coûts de production, consécutive à la crise du papier et de l'énergie, contraint cependant les éditeurs à des ajustements tarifaires qui brouillent les perspectives pour 2023. A l'occasion du salon de Montreuil, qui s'ouvre mercredi 30 novembre, retrouvez notre dossier spécial, paru dans LH Spécial n°22. 

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Par Charles Knappek
Créé le 25.11.2022 à 11h25 ,
Mis à jour le 29.11.2022 à 16h12

Porté par une exceptionnelle croissance en 2021, le marché de la jeunesse affiche un recul de 4,7 % en valeur selon GFK entre octobre 2021 et septembre 2022, avec des disparités notables selon les segments. La baisse concerne les albums 4/7 ans (-2,3 %), les documentaires 6/10 ans (-3,9 %) et surtout les romans 8/12 ans (-11,7 %) et les premières lectures (-13,4 %) ; a contrario le segment des romans ados continue de progresser (+1,7 %), bénéficiant au moins en partie des effets de la recommandation TikTok (lire encadré).

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graph editeurs LHSPE22- Photo LH

Sur le temps long cependant, le marché reste globalement dynamique : « Le niveau d'activité est supérieur à celui de 2019, qui était le dernier exercice normal », rappelle Hedwige Pasquet, présidente de Gallimard Jeunesse. Cette bonne tenue d'ensemble n'efface pas pour autant tous les motifs d'inquiétude. Déjà sensible l'an dernier, la crise du papier continue de produire ses effets, amplifiés par le déclenchement de la guerre en Ukraine. « 2021 a été une excellente année au niveau du chiffre d'affaires, mais elle a aussi été très dure en termes de marge et cela continue cette année, rappelle Gauthier Auzou, patron des éditions Auzou. Les lecteurs sont là, ce qui est très positif, mais nous sommes tenus d'augmenter certains de nos prix pour supporter l'explosion des coûts de production et de transport. » « L'équation prix du papier, énergie et prix public est un facteur préoccupant, confirme Louis Delas, directeur général de L'École des Loisirs. La marge de manœuvre sur les prix publics est particulièrement limitée pour les titres faisant l'objet de prescription scolaire. » Aucun éditeur n'échappe à ce principe de réalité, avec des hausses généralement comprises entre +5 et +10 %. Celles-ci sont d'autant plus nécessaires que la part de l'objet dans la valeur du livre jeunesse est plus forte qu'en littérature blanche. De la même manière, les prix de vente moyens, même hors prescription scolaire, sont beaucoup plus bas.

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graph prod LHSPE22- Photo LH

Distribution complémentaire

La répercussion des coûts est importante car « c'est du prix fixé par les éditeurs que dépend la rémunération de tous les acteurs de la filière », défend Marianne Durand, directrice générale de Nathan Jeunesse. À ce titre, les différences d'ajustement sont notables selon les catégories d'ouvrage. « La marge de manœuvre est étroite sur la fiction en poche, où les écarts de prix sont faibles, situe Francine Bouchet, dirigeante de La Joie de Lire. A contrario, le prix des albums est beaucoup plus varié et permet d'ajuster si besoin. » La conjoncture met aussi à plus rude épreuve l'économie des petits éditeurs, qui ont besoin d'activer d'autres leviers pour survivre. Charlotte Duverne, fondatrice de la maison d'édition Marcel et Joachim, spécialisée en petite enfance, insiste sur l'importance de développer une distribution complémentaire à la librairie. « Pour exister comme marque, nous avons besoin d'un environnement qui offre une largeur de gamme suffisamment visible et sans trop de concurrence, détaille-t-elle. En librairie, nos titres sont noyés dans la masse, en revanche nous sommes mieux exposés dans les boutiques de jouets, de design ou de puériculture dans les villes moyennes. » L'éditeur compte également beaucoup sur la vente directe via son site web, qui représente environ 10 % de son chiffre d'affaires. « L'objectif est de monter à 20 % », ajoute Charlotte Duverne, qui continue par ailleurs d'alimenter son catalogue : la collection de livres tout-carton « Mini Galerie » sera lancée en février.

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graph ventes LHSPE22- Photo LH

La folie des collectors

Les ajustements peuvent aussi se faire au détriment de certaines collections : chez Edi8, Poulpe Fictions a par exemple cessé d'alimenter la série de premiers romans « Mini-Poulpe ». « Les ventes n'étaient pas suffisantes pour garantir l'équilibre de la collection, avec la hausse du papier, sur un prix de vente que nous souhaitions garder bas », détaille Alexandra Bentz, directrice générale adjointe d'Edi8. Autre effet de marché, certains réseaux souffrent davantage de la conjoncture, en particulier les hypermarchés : « C'est dans ces points de vente que les problèmes de pouvoir d'achat sont les plus sensibles, avec un effet d'arbitrage qui opère en défaveur du livre », ajoute Alexandra Bentz. Particulièrement concernée chez Edi8, la marque Hemma réalise 50 % de ses ventes en GSA.

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Céline Dehaine, directrice de Flammarion Jeunesse- Photo OLIVIER DION

Pour cette fin d'année, l'optimisme reste néanmoins de rigueur. Le roman ado, en particulier, affiche sa bonne santé et devient un axe de développement pour un nombre croissant d'éditeurs. Chez Didier Jeunesse, où il est historiquement peu présent, il voit sa part grandir grâce à des autrices comme Cassandre Lambert, dont le dernier livre, L'empire des femmes, a paru en septembre. Porté par la saga Le peuple de l'air, d'Holly Black, Rageot a de son côté vu son chiffre d'affaires bondir de 30 %. « Nous réalisons le meilleur exercice de l'histoire de la maison », se félicite Murielle Couëslan, la directrice. L'éditeur publie pour les fêtes un préquel de la série, intitulé Comment le prince Cardan en est venu à détester les histoires, ainsi qu'un collector relié du premier tome, Le prince cruel. Encore inexistants il y a quelques années, les collectors sont désormais plus fréquents en rayon. Des éditeurs comme De Saxus, Bragelonne ou La Martinière Jeunesse en proposent régulièrement, n'hésitant pas à publier d'abord la version collector.

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lecteurs et lectrices jeunesse dans le salon - Salon du livre et de la jeunesse de Montreuil 2021- Photo OLIVIER DION

Mais le plus souvent, un collector vient couronner une œuvre déjà repérée par le public, tel Harry Potter pour lequel Gallimard Jeunesse multiplie les éditions particulières. Les 25 ans du petit sorcier seront l'occasion d'une nouvelle salve d'ouvrages brochés en 2023. De la même manière, chez Hachette Romans, la directrice Cécile Térouanne confirme le goût des adolescents pour les beaux objets, mais précise réserver le format collector aux titres ayant déjà trouvé leur public. L'éditeur déploie des versions collector des différents tomes de la série Heartstopper, cette fois sous forme de romans graphiques. Ces titres sont d'ailleurs à l'origine de la création en 2023 d'une nouvelle ligne Hachette Romans Graphiques. « Les romans graphiques Hearstopper ont été un coup de poker, les libraires ne savaient pas précisément où les placer, poursuit Cécile Térouanne. Fort de ce succès, nous installons ce nouveau label avec des titres qui ne seront pas en rayon BD ni manga, mais bien dans le rayon ados-young adult. » Dès janvier, Hachette Romans Graphiques publiera notamment La nuit des rois et des reines, premier tome de la série américaine Arden High.

Augmenter les tirages initiaux

Dans une approche tout aussi premium, Gallimard Jeunesse et Flammarion Jeunesse poursuivent la publication des grands classiques de la littérature en partenariat avec le studio MinaLima. « L'an dernier, nous avions vendu très vite l'intégralité de nos tirages de 6 000 exemplaires, indique Céline Dehaine, directrice de Flammarion Jeunesse. Cette fois, nous avons donc doublé la production, ce qui nous a aussi permis de conserver le même niveau de prix. »

Pour éviter les ruptures, déjà nombreuses cet automne à cause des délais de réimpression, les éditeurs n'hésitent pas à augmenter les tirages initiaux. Ce sera par exemple la stratégie de Didier Jeunesse dès l'an prochain. « Nous serons un peu plus audacieux, confirme Michèle Moreau, la directrice. Un titre que nous aurions imprimé à 4 000 exemplaires pourra ainsi passer à 6 000. » Dans le même temps, la tendance est à la réduction du nombre de nouveautés. Hachette Romans en a publié 70 en 2022 contre un pic de 126 en 2014 ; Flammarion Jeunesse s'en tient à 130, soit 10 de moins que l'an dernier.

Les éditeurs réduisent également autant que possible la part de leur production extra-européenne. Très présent sur les segments du documentaire et de l'éveil, Milan Jeunesse imprime encore 25 % de ses livres en Asie. « Mais nous étions à 32 % en 2019-2020 », précise Louis-Pascal Deforges, directeur général du groupe Bayard. Auzou, de son côté, imprime désormais 50 % de ses livres en Europe, contre 20 % en 2018. Gallimard Jeunesse est aussi engagé dans une réduction de la production asiatique, même si tout n'est pas relocalisable. « Les imagiers sonores, les livres animés, avec des matières à toucher et les pop-up relèvent de savoir-faire qui n'existent qu'en Asie », rappelle Hedwige Pasquet.

Toutes ces contraintes n'empêchent pas les éditeurs d'innover et de déployer de nouvelles offres. Au sein d'Edi8, Langue au chat joue la carte de l'ésotérisme pour les plus jeunes avec une collection « Ma douce étoile », conçue «  en réponse au boom incroyable de l'ésotérisme adulte », explique Alexandra Bentz. En albums, Albin Michel Jeunesse lancera en mars la collection « Ronces », dirigée par Jérémie Moreau et qui met en lumière la cohabitation entre humains, animaux et végétaux. La chambre de Warren, de Jérémie Moreau et Le grand labyrinthe de Coline Hégron ouvrent la série. Deux autres titres paraîtront à l'automne 2023. L'éditeur vient déjà d'inaugurer la collection d'albums « L'encyclopédie du merveilleux ». Gründ, de son côté, annonce un doublement de sa production d'albums en 2023, avec une vingtaine de titres prévus et une plus grande variété des thématiques abordées. Chez Gallimard Jeunesse, l'adaptation en album des Royaumes du Nord de Philip Pullman est l'événement de l'automne tandis qu'Hachette Enfants signale le volume 2 du recueil Mes émotions, autour du personnage de Gaston la Licorne. Enjeu du début de l'année à L'École des Loisirs, Le chemin est un coffret de 21 cartes interchangeables conçu par Claude Ponti. À La Joie de Lire, ce sera l'album Planète verte ? d'Eduarda Lima.

Anniversaires

En documentaire, Milan Jeunesse développe sa collection phare « Mes p'tits docs » avec une série « Mes p'tits docs+ ». « Nous avons à cœur de creuser des sujets innovants pour aller chercher des lecteurs au-delà des 4/7 ans », explique Bénédicte Debèse, codirectrice générale. Prévus pour mars, les premiers titres s'intéresseront à Champollion, aux fleurs ou encore aux abysses. L'éditeur annonce également pour avril une refonte de la collection «  Carnets de nature » et un retour de la photo dans la collection d'imagiers « Mon petit monde ». Chez Nathan, la collection « Kididoc » sera quant à elle adaptée en série audiovisuelle sur Canal+. À cette occasion, l'éditeur y développe une série biographique avec deux premiers titres consacrés à Joséphine Baker et Mozart.

Enfin, Gallimard Jeunesse célèbre les 20 ans de la collection de romans pour ados « Scripto » avec le recueil de nouvelles Le jour où j'ai osé. À L'École des Loisirs, 2023 est également une année riche d'anniversaires avec les 60 ans de l'album Max et les Maximonstres, les 20 ans de Cornebidouille et les 10 ans de Rue de Sèvres. Outre les 10 ans de P'tit Loup, Auzou soufflera également ses 50 bougies. Milan Jeunesse a, pour sa part, fêté ses 40 ans en 2022 : pour marquer l'événement cet automne, la marque du groupe Bayard a fait décorer par des illustrateurs les vitrines de 10 librairies et distribué un mooc à l'ensemble des professionnels du livre.

Roman 8/12 ans : L'exploration sans fin  

Bien que dominé par le fonds et quelques séries phares, le marché du roman 8/12 ans draine chaque année une production prolifique, chaque éditeur espérant publier la prochaine série à succès. Deuxième du marché jeunesse en valeur, au coude à coude avec les albums, le segment du roman 8/12 ans compte aussi parmi les plus touchés par le ralentissement des ventes au cours de l'année écoulée. En recul de 11,7 % en valeur selon GFK, son attractivité reste néanmoins forte. Si le classement des meilleures ventes est dominé par les stars du rayon (J. K. Rowling, Jean-Claude Mourlevat, Michael Morpurgo...), les classiques de la littérature jeunesse (Le petit prince, Vendredi ou la vie sauvage, Le club des cinq...) et quelques séries incontournables (La guerre des clans, Le journal d'un dégonflé, Les royaumes de feu, Le monde de Lucrèce, Kinra Girls, Quatre sœurs, Chien pourri...), les éditeurs publient chaque année de nombreuses nouveautés qui, sans rivaliser avec les leaders, dépassent régulièrement les 5 000 exemplaires vendus au titre. 

Ce dynamisme est particulier à la tranche d'âge des 8/12 ans. « Les enfants ne lisent jamais autant qu'à cet âge, il y a une vraie appétence pour la lecture à laquelle nous nous efforçons de répondre », rappelle Céline Dehaine, directrice de Flammarion Jeunesse. Conséquence de cet engouement, les éditeurs ont développé des catalogues énormes : Flammarion Jeunesse dénombre une quinzaine de séries actives, sans compter les titres uniques, et vient d'en lancer deux nouvelles : La petite meute et Les gardiens de la Terre. Chaque année, des concepts inédits voient le jour : début 2023, Gallimard Jeunesse mise par exemple sur Chroniques des royaumes invisibles ; de la même manière, Milan Jeunesse a inauguré en mars dernier la collection « 7 lieues », tandis que Bayard Jeunesse annonce Les clans du ciel et la série fantastique Twin Crowns. L'éditeur étoffe également son offre de romans docs avec la nouvelle série « Mes premiers romans-doc », à paraître en mars. 

Manque de romance

Chez Edi8, Poulpe Fictions continue de développer la collection « Les grandes aventurières vues par un ado » et vient de lancer la série de romance Cœurs papillons, par Cassandra O'Donnell. « Il y a peu de romance pour les jeunes lecteurs, nous allons suivre sa réception », indique Alexandra Bentz, directrice générale adjointe d'Edi8. À L'École des Loisirs, la série à succès Chien pourri, qui fêtera ses 10 ans en 2023, approche des 2 millions d'exemplaires vendus. Elle publiera un 18e titre en février : Le grand fourre-toutou. Dans la collection « Neuf », l'éditeur annonce également une suite au premier roman à succès de Mickaël Brun--Arnaud, Mémoires de la forêt. Au sein de la collection « Éclair+ » lancée début 2022 par Auzou, les séries Les influenceuses et Ours ont trouvé leur public et confortent l'éditeur dans son intention de renforcer son implantation : « Nous allons augmenter la production en 2023 », confirme Gauthier Auzou, le président. 

Cette effervescence ne saurait pourtant faire oublier le risque de saturation du marché. « Tous les éditeurs ont beaucoup produit, on peut s'attendre à un freinage brutal des ventes tel que cela s'est vu en Grande-Bretagne », redoute Marion Jablonski, directrice d'Albin Michel Jeunesse. L'éditeur a, lui aussi, quelques séries phares en catalogue, telles Célestine, petit rat de l'opéra (plus de 500 000 exemplaires vendus en quatre ans) ou les multiples déclinaisons de Géronimo Stilton, mais il a aussi bénéficié cette année de la vigueur du roman ado. 

Enfin, le roman 8/12 ans doit composer avec la concurrence croissante des ouvrages explicitement parascolaires. Lancée au printemps 2021, la série « Mes premiers romans » de la collection reine du parascolaire « Sami et Julie » témoigne de l'entremêlement des genres... quand ce ne sont pas les éditeurs jeunesse eux-mêmes qui empruntent les codes du parascolaire : chez Flammarion Jeunesse, les séries de romans « Je suis en », allant du CP au cours moyen, sont publiées au sein de « Castor Poche » et cumulent près de 5 millions d'exemplaires vendus depuis leur création. 

TikTok, meilleur prescripteur

Imprévisible et incontrôlable, le réseau social TikTok crée la tendance en librairie au rayon des romans ados. Au Cultura de Gennevilliers, une demi-table est par exemple consacrée à Captive, de Sarah Rivens (Hachette Romans). Le titre, paru fin août, a bénéficié d'un buzz immédiat grâce au hashtag #Booktok. « Beaucoup d'ados le réclament parce qu'ils l'ont vu sur TikTok, confirme Yann Adingra, responsable de rayon. Nous avons été en rupture pendant deux semaines, le temps que l'éditeur adapte son tirage. » De la même manière chez Albin Michel Jeunesse, Ashes falling for the sky de Nine Gorman et Mathieu Guibé, paru en 2018, avait déjà vu ses ventes exploser en 2021. « Le livre a été repéré sur TikTok, son redémarrage a été une surprise pour nous », concède Marion Jablonski, la directrice, qui n'en développe pas moins une politique d'éditeur en lien avec le réseau social chinois. Le titre arbore désormais un bandeau « Le phénomène TikTok » et Albin Michel Jeunesse annonce pour janvier la parution de son préquel, Just wanna be your brother. Tous les éditeurs jeunesse surfent sur la tendance. Hachette Romans a été le premier éditeur à créer un compte TikTok (dès 2020) et a depuis été suivi par une trentaine d'autres. De son côté, TikTok s'est rapproché cet automne des groupes d'édition (Hachette Livre, Editis...) pour leur proposer un accompagnement des auteurs et en librairie.

Livre audio : le carton des boîtes à  histoires

Le vide laissé par la disparition progressive des lecteurs CD dans les foyers a offert un espace inédit aux boîtes à histoires sur le marché de l'audio jeunesse. Plébiscités par les parents et les enfants, ces supports physiques sont désormais perçus comme des partenaires de premier choix pour les éditeurs.

Les livres-CD classiques ne sont pas morts, mais leur usage s'étiole à mesure que disparaissent les lecteurs CD dans les foyers. Si l'écoute sur YouTube ou les plateformes de streaming est entrée dans les mœurs, elle n'a que très imparfaitement répondu aux attentes des plus jeunes, qui se tournent plus volontiers vers le format plus ludique des boîtes à histoires. « Contrairement au livre audio adulte, la dématérialisation a moins de sens en jeunesse car les enfants ont besoin d'exercer leur autonomie sur des supports physiques », décrypte Laure Saget, directrice du développement audio chez Madrigall.

Partenariats multiples

Les boîtes à histoire permettent aux enfants de naviguer sans dépendre des smartphones ou tablettes de leurs parents, tout en bénéficiant d'une interactivité sans écran ni connexion. Leur essor n'a fait que s'accélérer ces dernières années, bien suivi par des éditeurs de plus en plus nombreux à s'adosser aux fabricants pour y faire écouter leur catalogue. En 2022, Lunii, leader incontesté du marché avec 350 000 exemplaires vendus de sa Fabrique à histoires rien que depuis le début de l'année, a par exemple noué des partenariats pour quelques titres spécifiques avec Larousse, Gallimard Jeunesse, Le Lombard et Nathan Jeunesse, offrant à ces éditeurs des audiences parfois plus élevées que sur les plateformes.

La tendance est générale, les éditeurs s'inscrivant volontiers dans une démarche de complémentarité avec les créations originales des fabricants de boîtes à histoires qui essaiment sur le marché : des titres d'« Écouter lire », la collection audio de Gallimard, sont ou seront notamment disponibles sur la Conteuse merveilleuse, Yoto ou Toniebox. Cas à part, le groupe Bayard a choisi de développer en coentreprise avec Radio France sa propre enceinte Merlin. Il y propose des histoires issues des univers Bayard, Milan, ainsi que des titres de presse Bayard et Milan. En 2021, les 30 000 exemplaires produits de Merlin s'étaient tous vendus ; l'enceinte a donc été fabriquée à 70 000 unités cette année, avec un objectif de vente équivalent. En complément, le groupe Bayard vient de constituer une cellule audio pour produire de nouveaux contenus, à la fois pour Merlin et pour différents partenaires, y compris à l'international.

Sur le marché traditionnel du livre-CD, les acteurs historiques continuent de publier des nouveautés, mais à un rythme qui va en décroissant. Les rééditions sont parfois imprimées sans CD « car les petits volumes ne permettent pas de rentabiliser les coûts de production », souligne Michèle Moreau, directrice éditoriale chez Didier Jeunesse. En 2023, la marque d'Hachette Livre publiera cinq à six nouveaux livres-CD, dont deux titres dédiés à l'Irlande et à l'Ukraine dans sa collection « Comptines du monde ». De la même manière, chez Flammarion Jeunesse, il y aura des livres-CD en 2023. « Même si nos livres-CD sont tous proposés avec un accès aux plateformes, les taux de connexion restent faibles car les acheteurs préfèrent écouter le CD. Cela montre bien l'appétence des utilisateurs pour le support physique », rappelle Céline Dehaine.

KiLi, une appli pour faire le lien avec le livre 

KiLi, une appli pour faire le lien avec le livre 

MEILLEURES VENTES Holly Black, reine des ados

Dernier né de J. K. Rowling, Jack & la grande aventure du cochon de Noël (Gallimard Jeunesse) s'impose en tête de notre classement GFK/Livres Hebdo des meilleures ventes de livres jeunesse, devant les habituels tomes 1 et 2 d'Harry Potter et l'incontournable Mortelle Adèle. Dominé par le fonds et les romans 8/12 ans, le marché de la jeunesse laisse toujours aussi peu de place aux nouveaux entrants. Si le segment des romans pour adolescents compte bien quelques long-sellers comme Nos étoiles contraires de John Green (16e, Pocket Jeunesse) ou le premier tome de La passe-miroir de Christelle Dabos (33e, Gallimard Jeunesse), il est aussi celui qui accueille le plus de nouveautés : la série de l'Américaine Holly Black, Le peuple de l'air, parue chez Rageot, s'impose comme le phénomène de l'année avec Le prince cruel (4e), La reine sans royaume (17e) et Le roi maléfique (20e). La nuit où les étoiles se sont éteintes de Nine Gorman (39e, Albin Michel Jeunesse) et À travers ma fenêtre d'Ariana Godoy (45e, Hachette Romans) tirent également leur épingle du jeu.

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