Avant-critique Roman

Colson Whitehead, "Harlem Shuffle" (Albin Michel) : Rester voyou

Colson Whitehead - Photo © Chris Close

Colson Whitehead, "Harlem Shuffle" (Albin Michel) : Rester voyou

Sublime roman sur la criminalité dans le Harlem des années 1960, Harlem Shuffle est un page-turner comme Colson Whitehead sait si bien en faire.

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Par Marie Fouquet
Créé le 10.01.2023 à 14h00 ,
Mis à jour le 01.06.2023 à 15h40

« Carney n'était pas un voyou, juste un peu filou... » Dans les années 1960 à Harlem, Carney mène une existence plutôt tranquille, en père de famille marié, deux enfants et une boutique qui tourne bien. Il parcourt quotidiennement la ville pour acheter et vendre des appareils électroménagers, du mobilier ou des bricoles plus ou moins luxueuses qu'il revend ensuite dans son magasin. S'il ne sait pas toujours d'où viennent les produits qu'il récupère, il connaît Harlem comme sa poche, ainsi que ses habitants, qui sont les destinataires mais aussi la source de son commerce - lorsqu'il y a un décès, on l'appelle pour vider l'appartement du défunt. Seulement voilà : Carney est le fils d'un voyou très connu dans les parages, et un de ses cousins, Freddie, traîne dans des histoires sombres et flirte avec le crime. Il est des déterminismes auxquels on ne saurait échapper. Car tout est question d'environnement. « Finalement ce n'étaient peut-être pas les enveloppes qui faisaient tourner la ville, plutôt les rancœurs et les vengeances. »

Colson Whitehead décrit avec une finesse sans égale l'ambivalence d'un personnage qui s'immisce malgré lui dans la criminalité. Comme si le lieu et l'époque dans lesquels un homme évolue avaient forcément raison de lui, comme s'il n'était pas libre de poursuivre son bonhomme de chemin dans l'honnêteté. Comme si, finalement, les frontières de la légalité étaient aussi floutées par les dérives d'un État encore soumis à un régime ségrégationniste. L'au

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